090715 MEI TEI SHO (LYON)

CHALONS EN CHAMPAGNE
Plus de dix ans déjà qu’ils forment le noyau dur de Meï Teï Shô. Des kilomètres de concerts que le bassiste Boris Kulenovic et le batteur Germain Samba déforment à l’envie les rythmiques, histoire de poser de nouveaux jalons et de s’inventer un univers en ébullition, à des années-lumière d’une planète musique dûment calibrée. A chaque fois, il s’agit d’outrepasser les frontières, de dépasser les œillères. Afro-rock balkanique, jazz cosmique, hip-hop ésotérique, funk supersonique, dub stratosphérique, soul tellurique, pop énergétique, leurs sources d’aspiration s’entrechoquent dans leur drôle d’alambic pour faire jaillir des vibrations éclectiques, une bande-son alchimique tendance plus l’infini. Avec Meï Teï Shô, les multiples matières premières sont désossées, concassées et malaxées pour créer un matériau singulier.
Deux galettes en forme d’ovnis, deux maxis et deux live au compteur, les revoilà donc aux commandes d’un nouvel objet sonore, un projet initié par cette paire, toujours branchée par les rythmiques impaires et structures asymétriques. Autour des deux Lyonnais aux appellations d’origine métissée – bosniaque pour Boris, centrafricaine pour Germain –, gravite désormais une nouvelle équipe, des hommes et des femmes aux identités tout aussi transitoires, entendez « créolisées ».
A l’image de ces voix qui en disent long sur les nouvelles orientations, chants entêtants comme autant de champs d’exploration. A commencer par celle de Jessica Martin Maresco, de sensuelles inflexions entre trip pop et soul jazz, qui répond parfaitement aux scansions du tambour de bouche de Bruce Sherfield, natif de Nashville, affranchi à Brooklyn lors de soirées open mic, et désormais installé à Paris. A cette autre paire des plus complémentaires, viennent s’ajouter un chœur selon les titres et deux invitées, histoire d’élargir la palette : Sandra NKaké, diva tout soul mais timbre plus rauque, le temps d’un thème funky et la Tunisienne Amel Mathlouti qui enroule sa voix sur une arabesque aux accents mélancoliques.
Dans le même esprit, le choix des musiciens traduit lui aussi une volonté de creuser sans détours d’autres sillons, certes plus mélodiques, mais fécondés par l’électronique. Voilà pourquoi Jean-Philippe Chalte investit certains titres de ses machines, pour y placer ce qu’il faut d’effets et d’ambiance acousmatique, tandis que Charly Amadou Sy, platiniste de Sayag Jazz Machine, pose ses scratches deux doigts décalés. De même, au côté de Rémy Varaine qui fut déjà invité par le passé, Frank Pilandon assure les principales parties de guitare, cocottes funky par-ci, plus rentre-dedans plus loin. Il caresse tout autant la boîte à boutons qu’est l’accordéon, ou souffle dans un saxophone. Quant au claviériste Eric Teruel, il s’impose comme le troisième homme du projet. Son Fender Rhodes complète la paire rythmique, ajoute des couleurs primordiales à la palette harmonique et de subtiles touches plus mélodiques.
Chroniques à l’humour acide et sulfureux billets d’humeur sur une société en faillite, pub japoniaise rétro-futuriste samplée et infos françaises détournées, scansions dérapantes et chansons décapantes, refrain sur du velours et couplet plus coup de poing sur les hics, la plupart des textes traduisent la volonté d’en découdre, encore et toujours. Simplement, aux longues complaintes du passé, Meï Teï Shô a choisi cette fois la voie de la concision, sans oublier, bien au contraire, le postulat initial tel que suggéré dans leur appellation contrôlée : Meï Teï Shô n’est-il pas un terme japonais censé décrire l’état de transe suite à une surconsommation de riz !?

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